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Channel: BD Adulte – By La Musardine
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Nicky de A à Z

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Avec Royal Gentlemen Club, Rocking Girls, New Rodeo Girls et Rose Garden School, Nicky a tissé un univers jouissif et cohérent, tout en parodiant à chaque série qu’il entreprenait un genre et un style distincts. Nicky est aussi une énigme de la bande dessinée érotique. Pour ce dossier, il a accepté de dévoiler quelques-uns de ses secrets.

 

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Sources d’inspiration

 

Vouloir citer les sources qui ont inspiré ce travail obligerait à dresser une liste foisonnante et interminable de films, de livres et d’œuvres de provenances diverses et variées, si tant est que les titres en soient connus. Aussi vaut-il mieux confier à ces lignes que toute image de femme, même la plus furtive, même la plus banale, fait partie de cette collection, commencée dès le plus jeune âge.

 

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Dans cette collection, les dessins se taillent la part du lion, vous vous en doutiez. La famille Illico, de George McManus, et leur jolie fille à la silhouette troublante, l’adorable Blondie, de Chic Young aux jambes remarquablement galbées, autant de souvenirs émus de comic strips créés dans les années 1930 et venus d’outre-Atlantique que publiaient encore les journaux, des décennies plus tard. Bien d’autres (super) héroïnes vinrent ensuite se joindre à la légion de toutes ces jolies dames de papier.

 

Ligne claire

 

N’ayant reçu à la base aucune formation académique, il était naturel d’encrer dans ce style appelé ligne claire, le seul que pouvait autoriser l’emploi d’un stylo-plume ordinaire. Au delà de la technique, le dessin est avant tout une somme de connaissances, tant artistiques que géométriques. Ne pouvant se fier à aucune « méthode », toutes se copiant les unes les autres, et toutes reproduisant les mêmes approximations, pour ne pas dire les mêmes erreurs, il faut en définitive apprendre, voire réapprendre, à dessiner seul. C’est une étude sans fin. Tout bien considéré, une formation d’architecte est idéale pour appréhender la charpente, les proportions, les volumes et l’équilibre des masses sphériques qui composent l’objet central de cette étude. Mais le plus difficile est de transmettre au dessin une petite touche de vie, et ça, c’est certainement la quête obstinée de tout dessinateur.

 

Après-Guerre

 

Avec le New Look initié par Dior, au lendemain de « la guerre », vint le temps de la courbe révélée. Des courbes, plus précisément. Le temps aussi de l’industrie du nylon, le glorieux nylon, qui allait désormais habiller ces courbes, au plus près. Ainsi débutait l’âge d’or de la lingerie, exaltant le nouveau paradigme de la féminité. Car, sous les tailleurs serrés de ces dames et de ces demoiselles, l’œil inquisiteur du connaisseur devinait ou croyait deviner l’attache d’un porte-jarretelles ou la bretelle d’un soutien-gorge. Une découverte de nature à nourrir, voire à enflammer l’imagination d’un enfant voué dès sa naissance, au culte de la beauté, celle de la déesse Femme.

 

Hergé

 

Georges Remi est un démon peu commun, comme le XXe siècle en a connu quelques-uns. On pourrait dire de lui qu’il fut un imagier de génie, le seul qui illustra in extenso les 22 arcanes majeurs du Tarot, sous forme de 22 albums, prouesse dont il ignora lui-même les tenants et les aboutissants. Ce chiffre, 22, est d’ailleurs sa véritable griffe.

 

Tel un Lucifer princier plongé in vivo dans le brasier ardent des guerres, il sut s’entourer, en échange de quelques deniers, d’une cour de diablotins voués à sa gloire, l’assistant et lui soufflant in petto les secrets du feu volé aux Dieux (ou à d’autres hommes, Gaston Leroux, notamment).

 

Cela explique sa réussite matérielle, mais aussi les divisions qu’il a engendrées. Or, il est dit que la chute de Lucifer provoqua celle de l’Émeraude qu’il portait au front, et c’est bien cette dernière qu’il s’agit de recueillir et d’évaluer. Il est par conséquent impossible de ne pas reconnaître son apport inestimable.

 

Parodie

 

Yves Chaland, qui ne fit que passer parmi nous, cherchait à revivre, à faire revivre aux autres, les émotions d’une enfance perdue à jamais. Ses parodies étaient empreintes d’une poésie, certes puérile, mais authentiquement sincère. Son âme chaste lui aura interdit, hélas, de développer ses personnages féminins, pourtant riches en promesses légèrement voilées. La parodie est pourtant la porte ouverte à toutes les audaces, n’est-il pas vrai ?

 

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Érotisme

 

Éros, si l’on en croit certains auteurs grecs, est le premier et le plus important des dieux. Paradoxalement, on le présente également comme le fils d’Aphrodite, qualifiée parfois d’Aphrodite Porné, déesse tutélaire des prostituées sacrées. Cette dimension sacrée, primordiale, de l’Amour, mot qui traduit l’Éros, est une source d’incompréhension pour nos mentalités profanes. Pourtant, sans lui, sans le désir qu’il suscite, sans le rêve qu’il induit, sans l’acte qu’il provoque, rien ne se produit, pas de vie.

 

Éros a le pouvoir de partout se dissimuler, attendant son heure. C’est justement là où il est le plus insoupçonnable qu’il est le plus virulent. Sous le voile de la Veuve en grand deuil, par exemple. Et lorsqu’il se montre, le chérubin, elle en devient Joyeuse, faisant voler ses jupons, découvrant dans une clarté lunaire ses jambes gainées de bas de soie, exposant sans façons le spectacle affolant de sa culotte de satin noir, ornée de mignons petits nœuds et de dentelles exquises.

 

Ainsi s’exprime ce dieu fripon, mystérieux et puissant.

 

Maîtres

 

Hommage à Leone Frollo, pour les yeux captivants de sa Lucifera et le noir de son pinceau, même s’il plagiait quelquefois Jack Kirby.LUCIFERA-11-43.jpg

 

Hommage au discret Adolfo Ruiz, qui ne devait rien à personne, une source certaine d’inspiration, vous l’avez noté.

 

Hommage, comment l’oublier ? à John Willie, créateur de la tendre Gwendoline et maître du lavis.

 

Fétichisme

 

Le terme fétichisme est abusif, en l’occurrence. Il est vrai que l’habillage du corps doit le magnifier ; dès lors, le choix entre la robe de bure et le soutien-gorge est rapidement établi. Le corps nu ne présente qu’un vague intérêt anatomique, plus proche de la bestialité crue que de la suggestion érotique. La lingerie directement en contact avec la peau a pour effet, outre de structurer le dessin, de mettre en valeur ce qu’elle cache, tout comme le flacon est souvent plus propice à stimuler l’imaginaire que le parfum qu’il contient. La panoplie de la séductrice est riche de ces savantes créations, toutes destinées à provoquer le regard, à magnétiser l’attention du mâle, à l’instar des artifices employés par les fleurs pour attirer l’insecte pollinisateur. Rien que de très classique, en vérité.

 

Le fétichisme dans son acception freudienne, consisterait à revêtir la femme d’une sorte de costume qui la rendrait intouchable, qui la mettrait hors de portée du désir masculin, qui la transformerait « magiquement » en divinité dominatrice. Le costume de Wonder Woman est fétichisé, tout comme la fourrure évoquée dans le masochisme. Le cuir et les bottes d’Emma Peel lui confèrent un ascendant insurmontable sur John Steed et son chapeau melon. Les femmes dominantes ont ce côté castrateur que peuvent certes rechercher certains hommes, comme substitut à la mère inconsciemment désirée, et cependant haïe et redoutée mais nécessaire à leur conflit intérieur, comme source d’énergie libidinale. Ces vierges noires suscitent davantage d’adoration quasi religieuse que de concupiscence. Nuance.

 

04_01Coups et fessées

Toute violence est incontestablement dommageable, mais l’acte sexuel est une violence indispensable pour assurer la procréation de l’espèce humaine, nul n’en doute. Sinon, aucun hymen n’aurait jamais été déchiré, aucune semence n’aurait pu fécondé l’œuf et nous ne serions pas ici à deviser tranquillement. L’assaut masculin est une réalité indéniable. Cette violence, toutefois, devrait profiter aux deux partenaires et non pas être le plaisir exclusif de l’assaillant, mué en tortionnaire sadique. La frontière est bien trouble entre le « Fais-moi mal, Johnny ! » et « Tu me fais mal, arrête ! » Dans une bande dessinée, il faut un peu exagérer l’action, comme la voix et la gestuelle des acteurs le sont dans un théâtre.

 

Ligotage

 

La proie ligotée est prête à la consommation rituelle, prémices à l’antique pratique barbare du cannibalisme, résiduelle au fond de tout animal humain. La domination est totale pour l’un, la soumission l’est également pour l’autre. Chacun en retire un plaisir idiosyncrasique (pas facile à placer ce mot) bien souvent en fonction des souvenirs qui lui sont associés.

 

Western

 

Le western a cet avantage de pouvoir rendre compte de tous les mythes humains en général, aventures en terre hostile, humiliation et vengeance, renversement des lois, guerres tribales, etc. ainsi que des destins particuliers de héros solitaires, à la poursuite de leur destin à eux. De plus, le cadre de l’Ouest et sa frontière sauvage permet une vaste utilisation de décors naturels et de mises en scène urbaines que chacun connaît et complète tacitement sans avoir à en préciser tous les détails.01_01

 

Le genre est particulièrement propice à l’évocation de l’homosexualité féminine, en ce sens qu’il présente des femmes au caractère bien trempé, genre Annie Oakley ou Calamity Jane à la gâchette facile d’une part, et des danseuses de saloon aux mœurs légères, d’autre part. Un bien beau couple.

 

Éducation anglaise

 

La reine Victoria, en censurant tout débordement lascif, en dénonçant toute extravagance comme contraire à la morale dont elle entendait marquer son règne, a provoqué une réaction souterraine inversement proportionnelle à la retenue publique qu’elle exigeait de ses sujets. Il en va ainsi de toute privation de libertés. La monarchie britannique a donc fait le lit de toutes les licences imaginables, puisque tout devait demeurer occulté et par conséquent soustrait du débat public. Le « corporal punishment » est resté une valeur éducative prisée, comme remède à toutes les angoisses et frustrations nées de ces interdits, se teintant au fil du temps d’une sexualisation passive élaborée.

 

Type de femmes

 

Aucun de ces personnages féminins n’est, ou ne représente une femme réelle, à vrai dire. Elles peuvent en évoquer l’allure, l’attitude ou l’apparence mais ce ne sont que de jolies poupées de papier, invraisemblables et fictionnelles, exprimant et accomplissant le temps d’un récit tout ce que la fantaisie débridée d’une improvisation scénaristique leur a dictées.

 

Actrices préférées

 

Cyd Charisse pour le Vice et Jeanne Crain pour la Vertu, ou vice-versa.

 

Pin-up

 

En français, le mot « pin-up » signifie épinglée en hauteur (et peut-être aussi membre en érection ?). Une femme dénudée portée au pinacle, et comme crucifiée, ça rappelle quelque chose, non ? Un modèle divin, proposé aux hommes comme l’idéal de la femme parfaite, innocente et livrée aux regards de tous, assumant également à l’origine la fonction de protectrice des hommes partant au combat.

 

Clockenbrick

 

Clockenbrick ?… l’homme véritable, sans plus de commentaire.

 

[Propos recueillis par Christian Marmonnier. Dossier publié dans le volume

New Rodeo Girls, Dynamite, 2015.]

 


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